Les violences volontaires caractérisées : Enjeux juridiques et conséquences pénales

La violence volontaire caractérisée constitue une infraction pénale spécifique dont la gravité repose sur l’intention de nuire et sur des circonstances aggravantes précises. Face à l’augmentation des cas recensés par le ministère de la Justice, ce phénomène fait l’objet d’une attention particulière dans notre système juridique. Entre qualification des faits, circonstances aggravantes et sanctions graduées, le droit pénal français a élaboré un arsenal juridique complexe pour répondre à ces actes. Nous analyserons les fondements juridiques qui encadrent cette infraction, les critères de caractérisation, les sanctions encourues, la protection des victimes, ainsi que les évolutions jurisprudentielles majeures qui façonnent aujourd’hui cette notion.

Fondements juridiques et éléments constitutifs des violences volontaires caractérisées

Les violences volontaires sont définies dans le Code pénal français principalement aux articles 222-7 et suivants. Elles se distinguent des violences involontaires par la présence d’un élément intentionnel – l’animus nocendi – qui caractérise la volonté délibérée de porter atteinte à l’intégrité physique ou psychique d’autrui. Pour qu’une violence soit juridiquement qualifiée, trois éléments constitutifs doivent être réunis.

Premièrement, l’élément légal renvoie aux textes qui incriminent ces comportements. Le Code pénal distingue les violences selon leur gravité, mesurée principalement par l’incapacité totale de travail (ITT) qu’elles engendrent. Cette notion d’ITT, évaluée par un médecin, ne se limite pas à l’incapacité professionnelle mais s’étend à toute gêne notable dans les actes de la vie quotidienne.

Deuxièmement, l’élément matériel peut prendre diverses formes. Contrairement aux idées reçues, les violences ne se limitent pas aux coups portés. La Cour de cassation a progressivement élargi cette notion pour y inclure :

  • Les violences physiques directes (coups, blessures)
  • Les violences indirectes (fait de lâcher un chien sur quelqu’un)
  • Les violences psychologiques (harcèlement, menaces répétées)
  • Les administrations de substances nuisibles

L’arrêt de la Chambre criminelle du 3 janvier 1969 a marqué un tournant en reconnaissant que des violences pouvaient être constituées sans contact physique direct. Cette jurisprudence a été confirmée par l’arrêt du 19 février 1992 où le simple fait de faire peur à une personne âgée, provoquant un choc émotionnel, a été qualifié de violence.

Troisièmement, l’élément moral est fondamental. Il s’agit de l’intention de commettre l’acte violent, même si les conséquences peuvent dépasser celles initialement envisagées par l’auteur. Cette dimension intentionnelle distingue les violences volontaires des violences involontaires ou des accidents. La jurisprudence a précisé que l’intention s’apprécie au moment de l’acte et non en fonction du résultat obtenu.

Les violences deviennent « caractérisées » lorsqu’elles s’accompagnent de circonstances particulières prévues par la loi. Ces circonstances peuvent être liées à la qualité de la victime (personne vulnérable, conjoint, mineur), au contexte de commission (en réunion, avec préméditation), ou à l’utilisation de moyens particuliers (arme). La loi n°2018-703 du 3 août 2018 a renforcé cette caractérisation en intégrant de nouveaux critères comme les violences commises en présence de mineurs.

Le Tribunal correctionnel de Paris, dans un jugement du 15 mars 2021, a rappelé que « la caractérisation des violences volontaires nécessite la démonstration d’un acte positif traduisant une volonté agressive, même sans intention spécifique de nuire ». Cette formulation illustre la subtilité juridique entourant la qualification de ces actes et leur gradation.

Circonstances aggravantes et qualification pénale renforcée

Les circonstances aggravantes jouent un rôle déterminant dans la qualification des violences volontaires caractérisées. Elles constituent le point de bascule transformant une infraction simple en un délit ou crime plus sévèrement réprimé. Le législateur a progressivement étendu ces circonstances pour répondre à l’évolution des formes de violence dans notre société.

Les circonstances liées à la qualité de la victime

Certaines victimes bénéficient d’une protection renforcée en raison de leur vulnérabilité ou de leur fonction. Le Code pénal prévoit une aggravation des peines lorsque les violences sont commises sur :

  • Un mineur de moins de 15 ans
  • Une personne dont la vulnérabilité est apparente ou connue de l’auteur
  • Un ascendant ou sur les parents adoptifs
  • Le conjoint, concubin ou partenaire de PACS
  • Un magistrat, juré, avocat, officier public ou ministériel
  • Un agent public dans l’exercice de ses fonctions

La loi du 30 juillet 2020 a renforcé la protection des victimes en situation de vulnérabilité. La Cour d’appel de Lyon, dans un arrêt du 12 novembre 2019, a précisé que « la vulnérabilité s’apprécie in concreto, selon les circonstances particulières de l’espèce et non uniquement sur des critères préétablis ».

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Les circonstances liées au mode opératoire

Le mode de commission des violences peut constituer un facteur aggravant significatif. Sont ainsi réprimées plus sévèrement les violences commises :

Avec préméditation ou guet-apens, démontrant une volonté réfléchie de nuire. La Chambre criminelle dans son arrêt du 2 septembre 2005 a défini la préméditation comme « un dessein formé avant l’action d’attenter à la personne d’un individu déterminé ».

Avec usage ou menace d’une arme, qu’elle soit par nature (pistolet) ou par destination (objet détourné de son usage normal). L’arrêt de la Cour de cassation du 3 janvier 2012 a confirmé qu’une bouteille en verre brisée utilisée pour menacer constituait une arme par destination.

En réunion, c’est-à-dire par plusieurs personnes agissant en qualité de coauteurs ou de complices. La jurisprudence considère que cette circonstance est constituée même si toutes les personnes présentes n’ont pas porté de coups, dès lors qu’elles ont apporté une assistance aux agresseurs.

Les violences commises dans les établissements scolaires ou éducatifs, ou à leurs abords, font l’objet d’une attention particulière du législateur. La loi n°2019-222 du 23 mars 2019 a renforcé les sanctions dans ce contexte spécifique.

Les circonstances mixtes

Certaines circonstances aggravantes combinent des éléments liés à la victime et au mode opératoire. C’est notamment le cas des violences commises :

En raison de l’orientation sexuelle, de l’identité de genre, du sexe, de l’appartenance réelle ou supposée à une ethnie, une nation, une prétendue race ou une religion déterminée. Ces violences à caractère discriminatoire font l’objet d’une répression accrue depuis la loi n°2017-86 du 27 janvier 2017.

Sur le conjoint en présence d’un mineur. Cette double circonstance aggravante a été introduite pour prendre en compte l’impact traumatique sur les enfants témoins de violences conjugales.

L’accumulation de plusieurs circonstances aggravantes peut conduire à une escalade dans l’échelle des peines. Ainsi, des violences ayant entraîné une ITT inférieure à 8 jours, normalement punies d’une contravention de 5ème classe, peuvent être requalifiées en délit passible de 3 ans d’emprisonnement si elles sont commises avec deux circonstances aggravantes.

Le juge pénal dispose d’un pouvoir d’appréciation pour caractériser ces circonstances, mais doit motiver précisément leur retenue. Dans un arrêt du 19 juin 2018, la Cour de cassation a cassé une décision qui n’avait pas suffisamment caractérisé la circonstance de vulnérabilité de la victime, rappelant l’exigence de rigueur dans la qualification pénale.

Régime des sanctions et peines applicables

Le régime des sanctions applicable aux violences volontaires caractérisées s’articule selon une gradation fondée principalement sur deux critères : la gravité des conséquences pour la victime et la présence de circonstances aggravantes. Cette architecture pénale reflète la volonté du législateur d’adapter la répression à la diversité des situations rencontrées.

Échelle des peines selon la gravité des conséquences

La graduation des sanctions s’organise principalement autour de l’incapacité totale de travail (ITT) subie par la victime :

Pour les violences n’ayant entraîné aucune ITT ou une ITT inférieure ou égale à 8 jours, sans circonstance aggravante, l’infraction est une contravention de 4ème ou 5ème classe punie d’une amende pouvant atteindre 1 500 euros.

Les violences ayant entraîné une ITT inférieure ou égale à 8 jours, commises avec une circonstance aggravante, constituent un délit puni de 3 ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende (article 222-13 du Code pénal).

Les violences ayant entraîné une ITT supérieure à 8 jours sont punies de 3 ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende (article 222-11 du Code pénal). Avec une circonstance aggravante, ces peines sont portées à 5 ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende.

Les violences ayant entraîné une mutilation ou une infirmité permanente sont punies de 10 ans d’emprisonnement et 150 000 euros d’amende (article 222-9 du Code pénal). Ces peines peuvent être portées à 15 ans de réclusion criminelle en présence de circonstances aggravantes.

Les violences ayant entraîné la mort sans intention de la donner (violences mortelles) sont punies de 15 ans de réclusion criminelle (article 222-7 du Code pénal). Cette peine peut être portée à 20 ans, voire 30 ans de réclusion criminelle selon les circonstances aggravantes.

La Cour d’appel de Bordeaux, dans un arrêt du 7 mai 2020, a rappelé que « l’évaluation de l’ITT constitue un élément technique d’appréciation pour le juge, qui conserve néanmoins son pouvoir souverain d’appréciation quant à la qualification juridique des faits ».

Peines complémentaires et mesures alternatives

Au-delà des peines principales, le tribunal peut prononcer diverses peines complémentaires adaptées à la nature des violences commises :

  • L’interdiction de détenir une arme pour une durée pouvant atteindre 15 ans
  • L’interdiction d’exercer une activité professionnelle ou bénévole impliquant un contact avec des mineurs
  • Le suivi socio-judiciaire avec injonction de soins
  • L’interdiction de contact avec la victime ou de paraître dans certains lieux
  • Le stage de sensibilisation aux violences, notamment pour les auteurs de violences conjugales

La loi du 28 décembre 2019 a renforcé l’arsenal des peines complémentaires, notamment en matière de violences intrafamiliales, en facilitant le prononcé du bracelet anti-rapprochement.

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Les alternatives aux poursuites et à l’incarcération occupent une place croissante dans le traitement judiciaire des violences. Parmi ces dispositifs figurent :

La composition pénale, qui peut inclure l’obligation d’effectuer un stage de citoyenneté ou de responsabilisation pour les auteurs de violences conjugales.

La médiation pénale, bien que son usage soit désormais strictement encadré et prohibé en matière de violences conjugales depuis la loi du 30 juillet 2020.

Le contrôle judiciaire avec éloignement du domicile et interdiction d’entrer en contact avec la victime, fréquemment utilisé dans l’attente du jugement.

Le Tribunal judiciaire de Nanterre, dans un jugement du 28 janvier 2021, a mis en exergue l’importance de la « personnalisation des peines dans le domaine des violences caractérisées, qui doit répondre au triple objectif de sanction, de prévention de la récidive et de protection de la victime ».

Le casier judiciaire et ses conséquences

La condamnation pour violences volontaires caractérisées entraîne une inscription au casier judiciaire avec des conséquences durables pour l’auteur :

L’inscription au bulletin n°2 du casier judiciaire peut entraver l’accès à certaines professions, notamment dans la fonction publique ou les métiers impliquant un contact avec des personnes vulnérables.

La mention au Fichier des personnes recherchées (FPR) en cas d’interdiction de contact ou de paraître.

L’inscription possible au Fichier judiciaire automatisé des auteurs d’infractions sexuelles ou violentes (FIJAISV) pour les violences les plus graves.

Le droit à l’oubli existe néanmoins sous certaines conditions. La loi du 23 mars 2019 a modifié les règles d’effacement du casier judiciaire, permettant dans certains cas un effacement anticipé des mentions relatives à des condamnations anciennes.

Procédure pénale et droits des victimes de violences caractérisées

La procédure pénale applicable aux violences volontaires caractérisées s’inscrit dans un cadre protecteur pour les victimes, tout en garantissant les droits de la défense. Cette procédure comporte plusieurs phases distinctes, de la révélation des faits jusqu’à l’exécution de la peine, chacune présentant des enjeux spécifiques.

Révélation des faits et dépôt de plainte

Le point de départ de la procédure réside généralement dans la révélation des violences aux autorités compétentes. Cette révélation peut emprunter plusieurs canaux :

Le dépôt de plainte constitue la démarche la plus courante. Il peut s’effectuer auprès des services de police, de gendarmerie ou directement par courrier adressé au Procureur de la République. Depuis la loi du 28 décembre 2019, la plainte peut également être déposée dans n’importe quel commissariat ou brigade, même hors du lieu de commission des faits.

Le signalement par des tiers, notamment les professionnels de santé. L’article 226-14 du Code pénal prévoit une dérogation au secret professionnel lorsque le médecin constate des violences susceptibles de mettre la vie de la victime en danger.

L’intervention des services de police sur la base d’une main courante ou d’un appel d’urgence. Les policiers peuvent constater l’infraction en flagrance et interpeller immédiatement l’auteur présumé.

La pré-plainte en ligne, dispositif qui permet de faciliter le dépôt de plainte ultérieur au commissariat ou à la gendarmerie.

Il est primordial pour la victime de faire constater ses blessures par un médecin qui établira un certificat médical précisant la nature des lésions et évaluant l’incapacité totale de travail. Ce document revêt une importance capitale pour la qualification juridique des faits et s’obtient auprès d’un médecin traitant, aux urgences hospitalières ou dans une Unité médico-judiciaire (UMJ).

Enquête et poursuites

Une fois les faits portés à la connaissance des autorités, plusieurs scénarios procéduraux peuvent se déployer :

L’enquête de flagrance est possible lorsque les violences viennent d’être commises ou dans un temps très proche. Elle confère aux enquêteurs des pouvoirs étendus pendant une durée limitée.

L’enquête préliminaire est conduite sous la direction du Procureur de la République et vise à rassembler les éléments de preuve : auditions, constatations médicales, témoignages, preuves matérielles.

La garde à vue du suspect peut être ordonnée si des indices graves et concordants rendent vraisemblable sa participation aux violences. Sa durée est généralement de 24 heures, renouvelable une fois.

À l’issue de l’enquête, le Procureur dispose de plusieurs options :

  • Le classement sans suite, si l’infraction n’est pas caractérisée ou si l’auteur n’a pu être identifié
  • Les alternatives aux poursuites pour les faits de moindre gravité (rappel à la loi, médiation pénale hors violences conjugales, composition pénale)
  • Les poursuites devant la juridiction compétente selon la qualification retenue
  • L’ouverture d’une information judiciaire confiée à un juge d’instruction pour les affaires complexes ou criminelles

La comparution immédiate est fréquemment utilisée pour les violences caractérisées, permettant un jugement rapide du prévenu maintenu à disposition de la justice après sa garde à vue.

Protection de la victime pendant la procédure

Plusieurs dispositifs visent à protéger la victime tout au long de la procédure :

L’ordonnance de protection, instaurée par la loi du 9 juillet 2010 et renforcée par celle du 28 décembre 2019, permet au juge aux affaires familiales de prendre des mesures d’urgence (éviction du conjoint violent, interdiction de contact, attribution du logement) sans attendre l’issue de la procédure pénale. Son délai de délivrance a été réduit à 6 jours maximum.

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Le téléphone grave danger (TGD) permet à la victime d’alerter immédiatement les forces de l’ordre en cas de danger.

Le bracelet anti-rapprochement (BAR), généralisé depuis la loi du 28 décembre 2019, permet de géolocaliser l’auteur des violences et d’alerter la victime et les forces de l’ordre en cas de rapprochement.

L’éviction du domicile du conjoint violent peut être prononcée à tous les stades de la procédure.

Les associations d’aide aux victimes jouent un rôle fondamental dans l’accompagnement des victimes. Ces structures, souvent conventionnées avec le ministère de la Justice, proposent un soutien juridique, psychologique et social. La Fédération Nationale Solidarité Femmes gère notamment le 3919, numéro d’écoute national pour les victimes de violences.

La Cour de cassation, dans un arrêt de principe du 13 novembre 2018, a consacré une interprétation extensive des mesures de protection, considérant que « la sécurité des victimes de violences caractérisées constitue un objectif à valeur constitutionnelle justifiant des restrictions proportionnées aux libertés individuelles des auteurs présumés ».

Évolutions récentes et défis actuels face aux violences caractérisées

Le paysage juridique et social entourant les violences volontaires caractérisées connaît des mutations profondes, reflétant une prise de conscience collective de la gravité de ces actes et de leurs conséquences. Ces évolutions s’inscrivent dans un contexte de transformation des sensibilités sociales et des priorités politiques.

Renforcement législatif et évolutions jurisprudentielles

Les dernières années ont été marquées par une activité législative soutenue visant à renforcer la lutte contre les violences volontaires, particulièrement dans la sphère familiale :

La loi du 3 août 2018 renforçant la lutte contre les violences sexuelles et sexistes a étendu le délai de prescription pour les violences sur mineurs et créé de nouvelles incriminations.

La loi du 28 décembre 2019 visant à agir contre les violences au sein de la famille a instauré le bracelet anti-rapprochement et réformé l’ordonnance de protection pour la rendre plus efficace.

La loi du 30 juillet 2020 visant à protéger les victimes de violences conjugales a créé le délit de harcèlement au sein du couple et renforcé les mesures d’éviction du conjoint violent.

La jurisprudence a connu des évolutions significatives, élargissant progressivement la notion de violence. L’arrêt de la Cour de cassation du 18 mars 2020 a ainsi reconnu que « les violences psychologiques, même en l’absence de contact physique, peuvent caractériser des violences volontaires dès lors qu’elles ont entraîné une atteinte à l’intégrité psychique de la victime ».

Le Conseil constitutionnel, saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité, a validé dans sa décision du 9 avril 2021 le dispositif du bracelet anti-rapprochement, considérant que « l’atteinte à la liberté d’aller et venir est proportionnée à l’objectif de protection des victimes de violences ».

Approches préventives et traitement des auteurs

La prévention des violences et le traitement des auteurs constituent désormais des axes majeurs des politiques publiques :

Les centres de prise en charge des auteurs de violences (CPCA) ont été déployés sur l’ensemble du territoire depuis 2020. Ces structures proposent un accompagnement psycho-social visant à prévenir la récidive.

Les stages de responsabilisation pour les auteurs de violences conjugales se sont généralisés, pouvant être prononcés comme peine alternative ou complémentaire.

Des programmes de prévention sont développés dans les établissements scolaires pour sensibiliser les jeunes aux violences et promouvoir l’égalité femmes-hommes.

La formation des professionnels (forces de l’ordre, magistrats, personnels de santé) a été renforcée pour améliorer le repérage et la prise en charge des situations de violence.

Le Tribunal judiciaire de Créteil a expérimenté depuis 2019 un dispositif innovant de « filière d’urgence » permettant une prise en charge globale et rapide des situations de violences conjugales, associant justice, forces de l’ordre et secteur associatif.

Enjeux contemporains et perspectives

Plusieurs défis majeurs demeurent dans la lutte contre les violences volontaires caractérisées :

La justice prédictive et l’utilisation d’algorithmes pour évaluer le risque de récidive soulèvent des questions éthiques et juridiques. Un rapport du ministère de la Justice publié en janvier 2022 préconise un encadrement strict de ces outils.

Les violences numériques (cyberharcèlement, revenge porn) constituent une forme émergente de violences dont la répression se heurte à des obstacles techniques et juridiques, notamment liés à la territorialité du droit pénal.

La coordination des acteurs (justice, police, secteur médical, associations) reste perfectible malgré les progrès accomplis. Les retours d’expérience sur les féminicides montrent souvent des ruptures dans la chaîne de prise en charge.

La prise en compte du contexte coercitif dans lequel s’inscrivent certaines violences, notamment conjugales, a conduit à l’émergence du concept de « contrôle coercitif ». Plusieurs pays ont intégré cette notion dans leur législation, et des réflexions sont en cours en France sur son introduction dans notre droit positif.

La Cour européenne des droits de l’homme, dans l’arrêt Talpis c. Italie du 2 mars 2017, a consacré une obligation positive des États de protéger les victimes de violences domestiques, considérant que l’inaction des autorités peut constituer une violation de l’article 2 (droit à la vie) et de l’article 3 (interdiction des traitements inhumains ou dégradants) de la Convention européenne des droits de l’homme.

Face à ces enjeux, le Garde des Sceaux a annoncé en février 2023 un nouveau plan d’action pour renforcer l’efficacité de la chaîne pénale dans le traitement des violences intrafamiliales, avec notamment la création de « pôles spécialisés » dans les juridictions et le renforcement des moyens dédiés.

Les violences volontaires caractérisées demeurent ainsi un domaine en constante évolution, au carrefour du droit pénal, des politiques publiques et des transformations sociétales. L’équilibre entre répression efficace, prévention de la récidive et protection des victimes constitue l’horizon vers lequel tendent ces évolutions.