La contestation de la compétence arbitrale : enjeux, limites et perspectives

La reconnaissance de la compétence arbitrale constitue le fondement même du système d’arbitrage. Pourtant, cette compétence fait l’objet de contestations récurrentes devant les juridictions étatiques, mettant en péril l’efficacité de ce mode alternatif de règlement des litiges. Les parties cherchent parfois à échapper à la juridiction arbitrale en invoquant divers moyens juridiques pour faire obstacle à sa compétence. Ce phénomène soulève des questions fondamentales sur l’articulation entre justice arbitrale et justice étatique, l’autonomie de la convention d’arbitrage et les limites de l’arbitrabilité des litiges. À travers une analyse approfondie de la jurisprudence et des pratiques internationales, cet examen de la compétence arbitrale non reconnue permet de comprendre les mécanismes de contestation et leurs implications pour l’avenir de l’arbitrage comme instrument privilégié de résolution des différends commerciaux.

Les fondements juridiques de la contestation de la compétence arbitrale

La compétence d’un tribunal arbitral repose sur plusieurs piliers juridiques dont la fragilisation peut conduire à sa non-reconnaissance. Le premier fondement est la convention d’arbitrage, expression de la volonté des parties de soumettre leur litige à l’arbitrage. Cette convention peut être contestée sur la base de vices du consentement, d’incapacité d’une partie ou d’irrégularités formelles. Dans l’affaire Dallah Real Estate c. Pakistan, la Cour suprême britannique a refusé de reconnaître la compétence du tribunal arbitral au motif que l’État pakistanais n’était pas partie à la convention d’arbitrage.

Le deuxième pilier concerne l’arbitrabilité du litige. Certaines matières relèvent exclusivement de la compétence des juridictions étatiques en raison de leur nature ou de considérations d’ordre public. Les litiges touchant au droit pénal, au droit de la famille ou à certains aspects du droit de la concurrence peuvent ainsi échapper à la compétence arbitrale. La Cour de cassation française a développé une jurisprudence nuancée sur ce point, notamment dans l’arrêt Monster Cable de 2008 où elle a admis l’arbitrabilité des litiges impliquant des règles d’ordre public, tout en réservant aux juridictions étatiques un contrôle a posteriori.

Le troisième fondement repose sur le principe de compétence-compétence, qui confère au tribunal arbitral le pouvoir de statuer sur sa propre compétence. Ce principe, reconnu dans la plupart des systèmes juridiques et consacré par l’article 16 de la Loi-type CNUDCI, connaît néanmoins des limites variables selon les juridictions. En France, le juge étatique doit s’abstenir de statuer sur la compétence arbitrale sauf nullité ou inapplicabilité manifeste de la clause compromissoire. En revanche, aux États-Unis, depuis l’arrêt First Options of Chicago v. Kaplan, les tribunaux peuvent examiner plus largement la question de la compétence arbitrale si les parties n’ont pas clairement délégué ce pouvoir aux arbitres.

La contestation peut provenir de la portée ratione personae de la convention d’arbitrage. Le débat sur l’extension de la clause compromissoire aux non-signataires illustre cette problématique. La théorie du groupe de sociétés, appliquée dans l’affaire Dow Chemical, ou la doctrine de l’estoppel en droit anglo-saxon, tentent d’apporter des réponses à cette question complexe. La Cour d’appel de Paris a ainsi étendu l’application d’une clause compromissoire à des sociétés non signataires mais impliquées dans l’exécution du contrat principal.

  • Absence de consentement valide
  • Non-arbitrabilité de la matière litigieuse
  • Limitations du principe de compétence-compétence
  • Questions relatives à l’extension de la convention aux non-signataires
  • Problématiques d’interprétation de la portée de la clause compromissoire

Les mécanismes procéduraux de contestation de la compétence arbitrale

La contestation de la compétence arbitrale s’articule autour de mécanismes procéduraux spécifiques, tant devant le tribunal arbitral lui-même que devant les juridictions étatiques. En phase pré-arbitrale, une partie peut saisir le juge étatique pour faire obstacle à l’arbitrage. Cette stratégie, connue sous le nom d’anti-suit injunction dans les systèmes de common law, consiste à demander au juge d’interdire à l’autre partie de poursuivre ou d’initier une procédure arbitrale. Toutefois, la Cour de Justice de l’Union européenne a sévèrement encadré cette pratique dans l’espace judiciaire européen par l’arrêt West Tankers de 2009, la jugeant incompatible avec le Règlement Bruxelles I.

L’exception d’incompétence devant le tribunal arbitral

Devant le tribunal arbitral, la contestation prend généralement la forme d’une exception d’incompétence. L’article 16(2) de la Loi-type CNUDCI prévoit que cette exception doit être soulevée au plus tard lors du dépôt des conclusions en défense. La plupart des règlements d’arbitrage institutionnel comme celui de la CCI (article 6) ou de la LCIA (article 23) contiennent des dispositions similaires. Le non-respect de ce délai peut entraîner une forclusion du droit de contester la compétence, comme l’a rappelé le Tribunal fédéral suisse dans plusieurs arrêts.

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Le tribunal arbitral dispose de deux options pour traiter l’exception d’incompétence : statuer par une sentence partielle sur sa compétence ou joindre la question au fond du litige. La première option présente l’avantage de permettre un recours immédiat contre la décision sur la compétence, mais prolonge la procédure. La seconde option, plus efficace en termes de délais, présente le risque d’une annulation ultérieure de l’ensemble de la sentence si l’incompétence est finalement retenue. La pratique arbitrale internationale montre une préférence pour un traitement préliminaire de la question de compétence dans les cas où celle-ci soulève des problèmes complexes.

Le contrôle judiciaire de la compétence arbitrale

Le contrôle judiciaire peut intervenir à différents stades de la procédure arbitrale. En amont, certains systèmes juridiques permettent un contrôle prima facie de la compétence arbitrale. En France, l’article 1448 du Code de procédure civile limite ce contrôle aux cas de nullité ou d’inapplicabilité manifeste de la convention d’arbitrage. En Allemagne, le Bundesgerichtshof a adopté une approche similaire, favorisant le principe de compétence-compétence.

En cours d’arbitrage, les possibilités de contrôle judiciaire varient considérablement selon les juridictions. Le système anglais permet, sous certaines conditions, un recours immédiat contre la décision du tribunal arbitral sur sa compétence (section 32 de l’Arbitration Act de 1996). À l’inverse, le droit français exclut tout recours avant la sentence finale, sauf dans le cas particulier du juge d’appui.

Le contrôle le plus courant s’exerce a posteriori, lors du recours en annulation contre la sentence ou de la procédure de reconnaissance et d’exécution. L’article V(1)(c) de la Convention de New York permet de refuser la reconnaissance d’une sentence rendue en dehors des limites de la convention d’arbitrage. Ce contrôle peut être plus ou moins étendu selon les juridictions : certaines, comme la Suisse, limitent leur examen aux constatations factuelles du tribunal arbitral, tandis que d’autres, comme les États-Unis, peuvent procéder à un examen complet de la question de compétence.

  • Exception d’incompétence devant les arbitres
  • Anti-suit injunctions
  • Contrôle prima facie par le juge étatique
  • Recours contre les sentences partielles sur la compétence
  • Contrôle a posteriori lors de l’annulation ou de l’exécution

Les critères jurisprudentiels de non-reconnaissance de la compétence arbitrale

La jurisprudence internationale a développé plusieurs critères permettant d’identifier les cas où la compétence arbitrale peut légitimement être contestée. Ces critères constituent des balises pour les juges nationaux confrontés à des demandes de non-reconnaissance. Le premier critère concerne les vices affectant la convention d’arbitrage. Dans l’affaire Abela v. Baadarani, la Cour d’appel anglaise a refusé de reconnaître la compétence arbitrale en raison d’une clause pathologique insuffisamment précise quant au centre d’arbitrage désigné. De même, la Cour suprême des États-Unis, dans l’affaire Rent-A-Center West v. Jackson, a établi une distinction entre les contestations visant spécifiquement la clause d’arbitrage et celles visant l’ensemble du contrat.

Le deuxième critère s’attache à l’arbitrabilité du litige. La Cour suprême indienne a longtemps adopté une position restrictive, notamment dans l’arrêt N. Radhakrishnan v. Maestro Engineers de 2010, excluant l’arbitrabilité des litiges impliquant des allégations de fraude. Cette position a été assouplie par la suite, illustrant l’évolution des conceptions nationales de l’arbitrabilité. En Europe, la Cour de justice de l’Union européenne a précisé dans l’arrêt CDC Hydrogen Peroxide les limites de l’arbitrabilité en matière de droit de la concurrence, admettant le principe tout en préservant l’effet utile du droit européen.

Le troisième critère relève de l’ordre public, notion protéiforme qui varie selon les systèmes juridiques. La Cour de cassation française a développé la notion d’ordre public international comme limite à la compétence arbitrale, notamment dans les affaires touchant aux embargos internationaux ou à certains aspects du droit de la consommation. L’arrêt Eco Swiss de la CJUE a confirmé que les règles fondamentales du droit européen de la concurrence font partie de l’ordre public pouvant justifier un contrôle de la compétence arbitrale.

Le quatrième critère concerne les immunités souveraines. Lorsqu’un État est partie à un arbitrage, la question de la renonciation à son immunité se pose avec acuité. Dans l’affaire République du Congo c. Commisimpex, la Cour de cassation française a considéré que la signature d’une convention d’arbitrage valait renonciation à l’immunité de juridiction mais non à l’immunité d’exécution. Cette distinction nuancée illustre la complexité des rapports entre arbitrage et souveraineté étatique.

Enfin, la fraude procédurale peut justifier la non-reconnaissance de la compétence arbitrale. Dans l’affaire Malicorp c. Égypte, le tribunal de grande instance de Paris a refusé l’exequatur d’une sentence rendue sur la base de documents falsifiés. Cette jurisprudence souligne l’importance de la bonne foi procédurale comme condition de validité de la compétence arbitrale.

L’évolution des critères selon les juridictions

On observe une convergence partielle des critères entre différentes juridictions, fruit d’un dialogue judiciaire international et de l’influence de la Convention de New York. Toutefois, des divergences persistent, notamment sur l’étendue du contrôle judiciaire de la compétence arbitrale. Les juridictions pro-arbitrage comme Singapour ou la France tendent à limiter les motifs de non-reconnaissance, tandis que d’autres comme l’Inde ou la Russie maintiennent un contrôle plus étendu.

  • Vices affectant la convention d’arbitrage
  • Limites à l’arbitrabilité des litiges
  • Considérations d’ordre public national et international
  • Immunités souveraines
  • Fraude procédurale et abus de droit
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Les conséquences pratiques de la non-reconnaissance de la compétence arbitrale

La non-reconnaissance de la compétence arbitrale engendre une cascade de conséquences pratiques pour les parties et le système arbitral dans son ensemble. Pour la partie qui conteste avec succès la compétence, la première conséquence est la réouverture de la voie judiciaire. Le litige sera alors tranché par les juridictions étatiques désignées selon les règles de droit international privé applicables. Cette situation peut créer un avantage stratégique pour certains plaideurs, notamment lorsque les tribunaux nationaux sont perçus comme plus favorables ou lorsque la procédure judiciaire offre des garanties spécifiques absentes de l’arbitrage, comme un système d’appel développé.

Pour la partie qui se prévalait de la clause d’arbitrage, les conséquences sont souvent défavorables. Outre la frustration de son attente légitime de voir le litige tranché par des arbitres, elle peut faire face à des coûts supplémentaires significatifs. Les frais d’arbitrage déjà engagés (honoraires des arbitres, frais administratifs, honoraires d’avocats) ne sont généralement pas remboursables, même en cas d’incompétence constatée. Dans l’affaire Société PT Putrabali Adyamulia c. Rena Holding, la partie s’étant prévalue de l’arbitrage a ainsi dû supporter l’intégralité des coûts de la procédure arbitrale initiale, malgré l’annulation ultérieure de la sentence pour incompétence.

L’impact sur la durée et le coût global du règlement du litige

La contestation de la compétence arbitrale entraîne un allongement considérable de la durée totale de résolution du litige. Une étude de la Queen Mary University sur l’arbitrage international révèle qu’une contestation de compétence prolonge en moyenne la procédure de 18 mois. Si la contestation aboutit à une non-reconnaissance, les parties doivent ensuite reprendre la procédure devant les juridictions étatiques, ce qui peut ajouter plusieurs années au processus. Cette situation est particulièrement problématique dans les litiges commerciaux où la rapidité de résolution constitue un enjeu économique majeur.

Les coûts globaux sont également démultipliés. Au-delà des frais directs liés à la double procédure (arbitrale puis judiciaire), les coûts indirects peuvent être substantiels : immobilisation de créances, provision pour risques dans les comptes, atteinte à la réputation commerciale, etc. Une étude de la Chambre de Commerce Internationale estime que le coût global d’un litige dont la compétence arbitrale n’est pas reconnue peut être jusqu’à trois fois supérieur à celui d’un arbitrage non contesté.

Les stratégies d’adaptation des acteurs

Face à ces risques, les praticiens ont développé diverses stratégies préventives. La rédaction minutieuse des clauses compromissoires constitue la première ligne de défense. L’utilisation de clauses modèles proposées par les institutions arbitrales réduit significativement le risque de contestation. Certaines entreprises optent pour des clauses d’arbitrage renforcées, prévoyant explicitement l’arbitrabilité de questions potentiellement sensibles ou l’extension de la clause aux non-signataires liés au contrat principal.

Les institutions arbitrales ont également adapté leurs règlements pour minimiser les risques de contestation. La CCI a ainsi modifié son règlement en 2017 pour renforcer l’examen prima facie de la compétence par la Cour d’arbitrage. De même, la LCIA a intégré des dispositions spécifiques sur la jonction de parties et la consolidation d’arbitrages pour répondre aux problématiques de compétence dans les arbitrages complexes.

Pour les États, l’enjeu est de trouver un équilibre entre protection de leur ordre juridique et attractivité pour l’arbitrage international. La France et Singapour ont ainsi adopté des législations limitant strictement les cas de non-reconnaissance de la compétence arbitrale, renforçant leur position de places attractives pour l’arbitrage international.

  • Réouverture de la voie judiciaire étatique
  • Pertes financières liées aux frais d’arbitrage engagés
  • Allongement significatif de la durée de résolution du litige
  • Multiplication des coûts directs et indirects
  • Développement de stratégies préventives par les acteurs

Vers une harmonisation des approches de la compétence arbitrale

L’évolution récente du droit de l’arbitrage international témoigne d’une tendance à l’harmonisation des approches concernant la compétence arbitrale. Cette convergence progressive s’explique par plusieurs facteurs. D’abord, l’influence croissante de la Loi-type CNUDCI sur les législations nationales a favorisé un socle commun de principes. Près de 80 États ont adopté des législations inspirées de ce modèle, intégrant notamment son approche équilibrée du principe de compétence-compétence. Ensuite, le rôle unificateur de la Convention de New York, ratifiée par plus de 160 pays, a contribué à standardiser les motifs de refus de reconnaissance des sentences arbitrales, y compris pour questions de compétence.

Les juridictions nationales participent activement à ce mouvement d’harmonisation à travers un dialogue judiciaire transnational. Les juges se réfèrent de plus en plus à la jurisprudence étrangère pour trancher des questions complexes de compétence arbitrale. Ainsi, la Cour suprême du Canada, dans l’affaire Dell Computer Corp. c. Union des consommateurs, s’est inspirée de la jurisprudence française sur le principe de compétence-compétence. De même, la High Court de Singapour cite régulièrement les précédents anglais et français dans ses décisions relatives à l’arbitrage.

Les initiatives institutionnelles pour renforcer la prévisibilité

Les institutions arbitrales jouent un rôle majeur dans cette harmonisation en développant des règles procédurales convergentes sur la question de la compétence. La CCI, la LCIA, le SIAC et d’autres institutions majeures ont progressivement aligné leurs approches concernant la détermination prima facie de la compétence. Cette convergence offre aux parties une prévisibilité accrue, quel que soit le siège de l’arbitrage ou l’institution choisie.

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Des initiatives académiques contribuent également à cette harmonisation. Les Principes UNIDROIT relatifs aux contrats du commerce international abordent indirectement la question de la validité des conventions d’arbitrage. Plus directement, les travaux du Groupe de travail sur l’arbitrage international de l’International Law Association visent à dégager des principes communs sur des questions controversées comme l’extension de la clause compromissoire aux non-signataires ou l’arbitrabilité des litiges impliquant des règles d’ordre public.

Les défis persistants à l’harmonisation

Malgré ces avancées, des obstacles significatifs demeurent. Les conceptions nationales de l’ordre public et de l’arbitrabilité restent profondément ancrées dans les traditions juridiques locales. La notion même de consentement à l’arbitrage est interprétée différemment selon les cultures juridiques. Les systèmes de common law tendent à privilégier une interprétation littérale des clauses compromissoires, tandis que les juridictions civilistes adoptent parfois une approche plus téléologique.

Les tensions entre souveraineté étatique et efficacité de l’arbitrage international persistant. Certains États, notamment en Amérique latine et en Asie, manifestent une réticence croissante face à ce qu’ils perçoivent comme une limitation de leur pouvoir juridictionnel. Le Venezuela et la Bolivie ont ainsi dénoncé la Convention CIRDI, reflétant une défiance envers certaines formes d’arbitrage international. À l’inverse, des juridictions comme Singapour, Hong Kong ou Paris continuent d’affirmer une politique résolument favorable à la compétence arbitrale.

L’avenir de l’harmonisation dépendra largement de la capacité des différents systèmes juridiques à trouver un équilibre entre respect des spécificités nationales et besoin de prévisibilité du commerce international. Le développement de standards transnationaux sur la compétence arbitrale, s’inspirant des meilleures pratiques de chaque tradition juridique, constitue une voie prometteuse pour surmonter ces défis persistants.

  • Influence harmonisatrice de la Loi-type CNUDCI et de la Convention de New York
  • Dialogue judiciaire transnational croissant
  • Convergence des règlements des institutions arbitrales
  • Persistance des conceptions nationales de l’ordre public et de l’arbitrabilité
  • Tensions entre souveraineté étatique et efficacité de l’arbitrage

Perspectives futures : vers une reconfiguration du concept de compétence arbitrale

L’évolution du droit et de la pratique de l’arbitrage laisse entrevoir une reconfiguration du concept même de compétence arbitrale pour les années à venir. Cette métamorphose s’inscrit dans un contexte de transformation plus large du règlement des différends internationaux. L’émergence des technologies numériques bouleverse les paradigmes traditionnels de l’arbitrage. Les procédures arbitrales en ligne, accélérées par la pandémie de COVID-19, posent de nouvelles questions sur la localisation de l’arbitrage et, par conséquent, sur les règles applicables à la compétence. Le siège de l’arbitrage, critère déterminant pour identifier la juridiction de contrôle, perd progressivement de sa pertinence dans un environnement dématérialisé.

La blockchain et les contrats intelligents (smart contracts) constituent une autre source de transformation. Ces technologies permettent d’envisager des mécanismes d’arbitrage entièrement automatisés pour certains types de litiges. La Chambre de Commerce Internationale et la London Court of International Arbitration explorent déjà des projets pilotes intégrant ces technologies. Dans ce contexte, la question de la compétence arbitrale pourrait être déterminée par des protocoles informatiques préétablis, réduisant les possibilités de contestation ultérieure.

L’impact des évolutions géopolitiques sur la compétence arbitrale

Les tensions géopolitiques croissantes influencent également la conception de la compétence arbitrale. La montée en puissance de nouvelles puissances économiques comme la Chine et l’Inde s’accompagne d’une affirmation de leurs traditions juridiques dans l’arbitrage international. La Belt and Road Initiative chinoise a ainsi conduit à la création de centres d’arbitrage spécifiques, comme la China International Commercial Court, proposant une approche distincte de la compétence arbitrale, plus intégrée au système judiciaire étatique.

Parallèlement, la fragmentation du droit international, avec la multiplication des accords régionaux et bilatéraux, complexifie la détermination de la compétence arbitrale. Les traités bilatéraux d’investissement de nouvelle génération, comme le CETA entre l’Union européenne et le Canada, prévoient des mécanismes hybrides de règlement des différends, brouillant la frontière traditionnelle entre arbitrage et juridiction étatique. Cette évolution pourrait conduire à l’émergence d’un concept plus fluide de compétence, adapté à la nature du litige et aux parties en présence.

Vers un équilibre renouvelé entre efficacité et légitimité

La recherche d’un équilibre entre efficacité de l’arbitrage et protection des intérêts légitimes des États et des parties faibles constitue un enjeu majeur pour l’avenir. Les critiques croissantes envers certaines formes d’arbitrage, notamment l’arbitrage d’investissement, ont conduit à une réflexion sur les limites appropriées de la compétence arbitrale. La Commission européenne a ainsi proposé un système juridictionnel des investissements (Investment Court System) intégrant des garanties d’indépendance et de transparence inspirées des juridictions étatiques.

Dans le domaine commercial, la protection des consommateurs et des parties économiquement faibles suscite une attention renouvelée. La Cour de justice de l’Union européenne a développé une jurisprudence restrictive sur l’arbitrabilité des litiges de consommation, comme l’illustre l’arrêt Mostaza Claro. Cette approche pourrait inspirer une conception plus nuancée de la compétence arbitrale, modulée en fonction du déséquilibre économique entre les parties.

La transparence s’affirme comme une valeur montante dans l’arbitrage international, susceptible de transformer l’approche de la compétence arbitrale. Le Règlement CNUDCI sur la transparence dans l’arbitrage entre investisseurs et États et la Convention de Maurice témoignent de cette évolution. Une plus grande transparence pourrait légitimer l’extension de la compétence arbitrale à des domaines traditionnellement réservés aux juridictions étatiques, en garantissant un contrôle démocratique sur le processus de décision.

En définitive, l’avenir de la compétence arbitrale semble s’orienter vers un modèle plus flexible et contextuel, abandonnant progressivement l’approche binaire (compétent/incompétent) au profit d’une conception adaptative, tenant compte de la nature du litige, des parties en présence et des enjeux sociétaux impliqués. Cette évolution permettrait de préserver les avantages de l’arbitrage tout en répondant aux préoccupations légitimes de protection de l’intérêt général et des parties vulnérables.

  • Impact des technologies numériques sur la conception de la compétence
  • Influence des nouvelles puissances économiques sur l’arbitrage international
  • Émergence de mécanismes hybrides de règlement des différends
  • Protection renforcée des parties économiquement faibles
  • Développement de la transparence comme facteur de légitimité